I – Le film « »Metropolis »
[(« Metropolis » est un film expressionniste de science-fiction allemand produit pendant la courte période de la République de Weimar.)]
[(Réalisé en 1927 par le cinéaste autrichien Fritz Lang, le film est muet, mais sonorisé, et en noir et blanc.)]
Le scénario est écrit par Lang et sa femme, Thea von Harbou, avec comme acteurs Brigitte Helm, Gustav Fröhlich, Alfred Abel et Rudolf Klein-Rogge.
Le film est produit aux Studios Babelsberg par UFA (Universum-Film AG).
Ce long-métrage muet en noir et blanc, est accompagné d’une musique de Gottfried Huppertz dont l’importance est capitale. Il s’agit de l’un des premiers films de science-fiction après « Le Voyage dans la lune » (1902) du précurseur Georges Méliès.
[(« Metropolis » est le premier film à être inscrit sur le Registre de la Mémoire du monde de l’UNESCO, et qui n’a été redécouvert dans sa version initiale qu’en 2008.)]
En effet, une copie du film, découverte en 2008 en Argentine, a ressuscité vingt-deux minutes qu’on croyait perdues et a permis de reconstituer autant de musique, à nouveau synchronisée avec la version complète et le montage original de Lang.
II – L’histoire du film (le synopsis)
L’histoire se situe à Metropolis, mégapole du futur, où le système de classes est divisé en deux parties distinctes : d’un côté les riches, confortablement installés dans les derniers étages d’immenses buildings, de l’autre des hommes et des femmes qui, tels des fourmis ouvrières, maintiennent, dans les profondeurs, les machines de la cité en marche. Mais une passion, façon Roméo et Juliette, va bousculer l’ordre établi. Le riche Freder, fils du grand manitou, tombe amoureux de la pauvre et rebelle Maria qui entend sonner la révolte et annonce la venue prochaine d’un messie. Dans le même temps, un savant construit une femme robot et lui donne les traits de Maria, semant le trouble dans l’esprit, déjà bousculé, de notre jeune premier et, par voie de fait, de cette humanité tout entière…
III – La musique du film
Vers les années 20, un compositeur écrit une partition complète pour un film comme Arthur Honegger pour « Napoléon » d’Abel Gance, Gottfried Huppertz pour « Metropolis » de Fritz Lang, Erik Satie pour « Entr’acte » de René Clair…
Lorsqu’ Arthur Honegger écrit son poème symphonique « Pacific 231 » en 1923, en hommage à la locomotive du même nom (voir article https://edouard-lucas.ac-amiens.fr/spip.php?article1596), il lança la mode d’une musique « motorique » et « mécaniste » qui fut suivie par de nombreux compositeurs aux quatre coins de la planète. Parmi ceux à avoir pratiqué un langage inspiré par les mouvements des machines industrielles, il faut compter Gottfried Huppertz auteur de la partition pour le film « Metropolis ».
[(La musique de Metropolis (Bande originale) a été composée par Gottfried Huppertz et a été conçue pour être exécutée par un orchestre symphonique en accompagnement du film.)]
Si ce film est apparenté à l’expressionnisme allemand, la musique composée contribue à exprimer les émotions, à créer des ambiances inquiétantes, à renforcer les expressions…
[(Huppertz s’est inspiré de Richard Wagner et Richard Strauss, ainsi que de quelques symphonies dites « modernistes », pour décrire la ville des travailleurs.)]
[(Il utilise dans sa musique de nombreuses citations, procédé qui consiste à réutiliser de façon subtile une mélodie ou un thème connu.)]
Il reprend ainsi le célèbre motif grégorien du « Dies iræ », chanté en latin depuis le XIème siècle pendant la messe des morts dans l’église catholique. Huppertz se sert de ce thème pour illustrer certaines scènes faisant intervenir La Mort.
Ecoutez d’abord cette mélodie du « Dies iræ » dans sa version originale interprétée par les moines de l’Abbaye de Solesmes :
Dies irae, dies illa
solvet saeclum in favilla :
teste David cum Sibylla.
Quantus tremor est futurus,
quando judex est venturus,
cuncta stricte discussurus !
Tuba mirum spargens sonum
per sepulcra regionum,
coget omnes ante thronum.
Ecoutez ensuite la musique de Gottfried Huppertz (à 01:03:34) :
– Huppertz cite d’abord les deux premiers vers de la première strophe de cette séquence liturgique, puis, avant la fin du second, s’en éloigne un peu et les développe, à l’orchestre.
– Il les reprendra de différentes manières plus loin.
– Il fait entendre également, toujours à l’orchestre, le troisième vers (« Coget omnes ante thronum ») de la troisième strophe Tuba mirum (ce « Coget omnes » est proche du troisième vers de la première strophe, seule diffère la montée plus importante du début).
Plus reconnaissable encore, au trois quart du film, Huppertz citera aussi l’hymne national français, « La Marseillaise » (à 01:42:00).
08_-_huppertz_-_la_marseillaise.mp3
[(Sa musique a joué un rôle de premier plan durant le tournage du film, puisque durant le déroulement de nombreuses scènes, le compositeur accompagnait en direct au piano pour obtenir un certain effet sonore en fonction du scénario et inspirer le jeu des acteurs.)]
IV – Quelques extraits
- Le thème de Metropolis
01_-_huppertz_-_le_theme_de_metropolis.mp3
- Machines
02_-_huppertz_-_machines.mp3
- Le stade
03_-_huppertz_-_le_stade.mp3
- Le jardin éternel
04_-_huppertz_-_le_jardin_eternel.mp3
- Maria et les enfants
05_-_huppertz_-_maria_et_les_enfants.mp3
V – Le compositeur : Gottfried Huppertz
[(Gottfried Huppertz est un compositeur, chanteur et chef d’orchestre allemand, né le 11 mars 1887 à Cologne et décédé le 7 février 1937 à Berlin.)]
Il est aujourd’hui surtout connu pour avoir réalisé la musique originale du diptyque « Les Nibelungen » (1923) et celle de « Metropolis », de Fritz Lang (1927).
VI – Les différentes versions enregistrées de cette musique originale
La bande son de cette musique originale a été réenregistrée pour la réédition du film en DVD en 2001 par l’orchestre Rundfunksinfonieorchester Saarbrücken mené par Berndt Heller. Cette version correspond à la version musicale reconstruite prévue à l’origine.
En 2007, le 1er et 2 août, la partition du film original est jouée en direct par l’Orchestre symphonique de la Radio VCS qui accompagne la version restaurée du film dans les cinémas Brenden à Vacaville, en Californie.
La bande-son est également enregistrée dans une orchestration en salle pour la première fois aux États-Unis en août 2007 par l’orchestre Bijou sous la direction de Leo Najar dans le cadre d’un festival du film expressionniste allemand à Bay City dans le Michigan.
Un enregistrement est aussi effectué dans le cadre du Traverse City Film Festival à Traverse City dans le Michigan, en août 2009.
[(Pour le réenregistrement de 2010, qui correspond le plus à la version d’origine, la bande-son est enregistrée pour la sortie en DVD par l’Orchestre symphonique de la Radio de Berlin dirigé par Frank Strobel, qui a également réalisé la première de la version reconstruite par le Berlin Friedrichstadtpalast.)]
VII – D’autres propositions de compositions pour sonoriser le film
[(Malgrè la musique originale de Gottfried Huppertz, de nombreux compositeurs ont voulu donner leur propre vision musicale pour sonoriser le film « Metropolis ».)]
Ces musiques alternatives peuvent être jouées en live ou enregistrées et diffusées avec une édition spéciale du film.
Les versions répertoriées de ces projets :
– 1975 : La version de la BBC de Metropolis est accompagnée par un enregistrement électronique composée par William Fitzwater et Hugh Davies.
– 1984 : Giorgio Moroder restaure et produit une nouvelle version de 80 minutes avec une bande-son écrite par lui dans un style rock new wave et enregistré avec Moroder, Pat Benatar, Bonnie Tyler, Jon Anderson, Adam Ant, Cycle V, Loverboy, Billy Squier et Freddie Mercury.
– 1993 : Martin Matalon (compositeur argentin) dans un style musique électroacoustique, (pour 16 instrumentistes) une commande de l’IRCAM pour la version restaurée de Metropolis, créée en concert au théâtre du Châtelet fin mai 1995, dans le cadre du centenaire du cinéma.
– 1995: Galeshka Moravioff réédition salles en 35 mm, ainsi que présentation au FFM à Montréal en 1996.
– 1996 : Loïc Pierre.
– 1998 : Peter Osborne.
– 2000 : Kevin Saunders Hayes.
– 2000 : Jeff Mills dans un style musique techno.
– 2002 : Art Zoyd dans un style free jazz/musique électronique.
– 2004 : Abel Korzeniowski.
– 2004 : Ronnie Cramer enregistre la bande-son et les effets sonores pour Metropolis qui gagne deux récompenses Aurora.
– 2012 : Alexandre Gosse live au piano le 6 janvier 2012.
– 2012 : Actuel Remix / ARFI remix electro (Hawtin Xenakis) 18 janvier 2012 Institut lumière à Lyon.
– 2012 : Christian Paboeuf, première au cinéma d’Auray (Morbihan) le 28 septembre – – – 2012 (organisation Association Garatoi).
– 2012 : Jean-Paul Raffit, compositions originales interprétées par l’Orchestre de chambre d’Hôte, ciné-concert au casino de Lavelanet et au festivaL Image de Ville d’Aix-en-Provence.
VIII – Le début du son dans le cinéma
– 1895 : « La Sortie de l’usine » – Les frères Lumière – Premier film muet (uniquement le bruit de la salle avec ses réactions)
– A partir de 1900 :
- un pianiste ou des musiciens jouent en live en même temps que la projection du film et essayent de coller à l’image.
- des cartons sont insérés dans le film. Cet intertitre a pour but d’apporter un complément d’information par rapport à l’image.
– 1907 : Léon Gaumont élabore le chronophone pour synchroniser le film et un disque sur lequel se trouve la musique enregistrée.
– 1927 : « Le chanteur de Jazz » – Premier film parlant avec le système Vitaphone.
– 1932 : le doublage s’impose et on dispose de plusieurs pistes son (dialogues, bruits, musique). On peut ainsi doubler le film dans plusieurs langues.
IX – Du muet au parlant : trois films à voir
« Les Temps modernes » (Modern Times) est une comédie dramatique américaine en noir et blanc et sonorisé de Charlie Chaplin, sortie en 1936. Il s’agit du dernier film muet de son auteur et le dernier qui présente le personnage de Charlot, lequel lutte pour survivre dans le monde industrialisé.
Dans ce film, Charlie Chaplin est à la fois acteur, réalisateur, scénariste, monteur, producteur mais il réalise aussi la musique originale.
« Chantons sous la pluie » (Singin’ in the Rain) est un film musical américain en couleur de Stanley Donen et Gene Kelly, sorti en 1952. Il dépeint joyeusement le Hollywood des années 1920 et la transition du film muet au film parlant à travers le parcours de trois artistes interprétés par Gene Kelly, Debbie Reynolds et Donald O’Connor.
« The Artist » est un film français, muet et en noir et blanc, écrit et réalisé par Michel Hazanavicius et sorti en 2011. Tourné à Los Angeles, et notamment à Hollywood, il met en scène Jean Dujardin dans le rôle de George Valentin, star du cinéma muet confrontée à l’arrivée des films parlants entre la fin des années 1920 et le début des années 1930.